Le patois pour forger l’homme de demain

J’ai tellement d’idées pour aider le patois à survivre. Mais je me sens si isolé, peut-être parce que je le veux bien ? Non, pas seulement. Les initiatives sont diverses mais peu « rassemblantes ». « Mais qu’est-ce qui est capable de rassembler les gens de nos jours ? », me direz-vous.

Savièse est en train de changer à grand pas. Dans trente ans, la commune ne sera plus la même. En fait, dans dix ans déjà. Plus personne n’aura connu pendant la moitié de sa vie, la marche à travers les villages pour descendre aux vignes et revenir, l’utilisation du mulet, la boucherie au village, pour tuer le cochon. Ces activités ont façonné une certaine manière de penser et de vivre ensemble. Une manière de boire des verres, aussi, de parler des autres, aussi. On parle des gens, de qui ils sont, de ce qu’ils font, de comment ils vont. On traite la commune ou du moins son village, comme une grande famille.

Cette vie du passé me fascine. Cette vie est aussi liée à une langue où tout avait un nom, mystérieux, venu du passé lointain, transmis de manière orale de génération en génération et que nous sommes sur le point d’oublier.

Nous sommes en train de perdre notre autonomie d’homme libre. Ecce Homo, pouvait-on dire d’un Saviésan autrefois. Un homme libre, qui se prend en charge dans sa survie, en communauté et dans la solidarité. Etre Saviésan, ce n’était pas la même chose que d’être d’une autre commune. Savièse était un pays en lui-même, un monde qui tournait tant bien que mal, mais qui tournait, dans les batailles politiques, les jalousies, les cancans, mais aussi la solidarité, la bonne humeur dans l’adversité, le bien-être dans la fête et dans le « beau pays ».

Que le monde change. Que des dépendances et des liens autres, de toutes sortes, se tissent entre les humains, c’est très bien. Mais des trésors ont été forgés, des tapis d’orient ont été tissés main pendant des siècles et nous les laissons disparaître dans l’oubli, étourdis par la fuite à la consommation et à la facilité de la vie moderne. Plus que jamais, en ce tournant de civilisation, les vieux ont besoin de notre attention. Ils nous permettront de faire le bilan sur notre civilisation, de la scanner à l’aune de cette humanité du terroir, tissée au cours des siècles.

Quelle humanité hier ?

Quelle humanité à garder, pour le bien de notre communauté et de chacun ?

Une humanité à l’échelle humaine, est-il besoin de le préciser ?