Qu’en est-il de la soit-disant ‘nostalgie’ des personnes qui cultivent le patois?…

Dans l’espace francoprovençal, les évolutions dans la perte du patois sont différentes.
A Savièse, les personnes nées en 1950 le parlent encore, les personnes nées après cette date le comprennent mais ne le parlent que rarement. A Evolène un 1/3 des enfants parlent encore la langue. Dans le Val d’Aoste des enfants le parlent encore, surtout dans les villages. Dans la ville d’Aoste, la langue n’est pratiquement pas parlée.

Dans l’émission l’horloge de sable consacrée au francoprovençal et au provençal, M. Ciocca fait allusion plusieurs fois au fait que les personnes défendant le patois sont des ‘nostalgiques’.

Rolôjo de Sâbla – Radiô Suisse Romanda – 7 de septembro 2010 from Radiô Arpitania on Vimeo.

Se révolter contre les changements qui font disparaître des richesses est-ce de la ‘nostalgie’.
Mène-t-ton le même raisonnement par rapport à des espèces animales en voie de disparition ? Parle-t-on d’une ‘nostalgie’.
C’est plutôt la question de l’engagement contre des forces contraires. La question de l’action évoquée par le dialogue de Hamlet s’applique à cette question plus que jamais.
Etre, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter
par une révolte ?

L’homme a subi toutes sortes de changements dans nos régions. Il a même embrassé allègrement ces changements : mobilité, industrialisation… Il savait que cela lui apporterait quantité de bénéfices dans des domaines qui continuaient à l’angoisser : la survie, la pénibilité du travail. Pour survivre, pour mieux s’en tirer dans la vie, il fallait devenir résolument ‘moderne’ ! Le traumatisme de la pauvreté et de la peine au travail les a poussés à tout accepter.

Comme la culture française a amené en Suisse Romande les nouvelles idées des ‘lumières’ qui ont permis aux peuples de sortir des superstitions et d’adopter des cultures de la ‘liberté’ basées sur la ‘rationalité’, la majorité des élites industrieuses a rejeté la culture populaire, leur manque d’industrie, leur apathie qui les rendait méprisables à leurs yeux. Cf. récits de voyages des français qui traversent la Suisse romande au 18è siècle.

Le Romantisme a vu les musiciens s’inspirer des mélodies populaires. Le patrimoine culturel a été revalorisé. C’est cette attitude qui a permis de reconnaître la richesse des langues régionales.

L’élitisme ne faisait qu’admirer la culture française comme la « seule au monde
2 capable d’amener bien-être et culture au monde. Heureusement qu’on en est revenu : aujourd’hui on reconnaît la richesse des régions en France comme partout en Europe.

Mais la lutte n’est pas terminée. Cette obsession de l’unicité associée à de la pureté, par opposition à la multiplicité synonyme de chaos continue.

Au niveau des langues le dilemme peut être résolu :
On peut avoir une langue régionale, comme les Suisse-Allemands ou les Arpitans (patoisants) de Suisse romande, une langue nationale et une langue internationale. Ceci deviendra bientôt le standard dans tous les pays du monde. Les langues régionales ne sont pas nécessairement en opposition avec les langues nationales ou internationales. Au contraire, si elles sont entendues avant l’âge de trois ans en parallèle à la langue nationale, elles préparent le cerveau à l’appropriation d’autres langues. De plus, après une longue dérive individualiste, on recherche aujourd’hui un ancrage géographique. On se doit de ne pas seulement sensibiliser les enfants au climat et à la géographie régionale mais aussi à l’histoire des modes de vie traditionnels. Ces modes de vie sont indissociable de notre patois, notre riche langue de mille ans qui n’a pas mérité qu’on la sacrifie sur l’autel de la modernité.